"LENNON OU MCCARTNEY ? Recherche de paternité" - Un article libre de Tom AGUILAR-BLASCO (3G1)

De 1963 à 1970, les Beatles publient treize albums studios au Royaume-Uni, qui révolutionnent la musique depuis près de 60 ans. Du premier, Please Please Me, au dernier, Let It Be, dans l’ordre chronologique de parution, pratiquement tous les morceaux portent une double signature. Composition, écriture… Qui a fait quoi ?

Signées Lennon-McCartney, la plupart des chansons des Beatles laissent supposer une forme d’égalité dans l’écriture, ce qui n’était en fait pas vraiment le cas. Si un premier indice pour identifier celui des deux qui avait apporté le plus à une chanson – que ce soit pour le texte, la mélodie, la structure harmonique, etc. – était le fait qu’il en soit le chanteur lead, avec le temps, des ouvrages érudits, des déclarations de John Lennon ou de Paul McCartney ont permis de donner la paternité d’une composition des Beatles plutôt à l’un qu’à l’autre.

PLEASE PLEASE ME

Le premier album des Beatles, Please Please Me, ouvre les portes aux 227 chansons composées, interprétées et enregistrées par le groupe. Publié le 22 mars 1963, l’album contient quatorze titres, dont huit chansons originales. Effectivement, pour un groupe débutant dans l’enregistrement, il s’agit d’une première pour l’époque, le ratio chansons originales et le ratio reprises étant audacieux. Les quatre camarades prennent ainsi la voie de leurs idoles, Buddy Holly ou Chuck Berry, celle d’être auteurs-compositeurs-interprètes. L’album marque aussi le coup comme le premier et dernier album des quatre Liverpuldiens enregistré avec seulement le traditionnel trio guitares-basse-batterie. Parmi les huit titres originaux, quatre étaient déjà publiés en singles : Love Me Do, Please Please Me et leurs face B. Quant à l’écriture, cette chanson éponyme, chantée par les deux camarades Lennon et McCartney, est de la plume du premier, qui fait un doublé, puisque sa chanson donne son titre à l’album inaugural du groupe. Laquelle chanson sera l’un des premiers succès du groupe, avec Love Me Do, que McCartney a régulièrement dit être un bon exemple des chansons écrites à « 50-50 » par le duo. À l’actif de Lennon, Ask Me Why, There’s a Place et Do You Want To Know A Secret, que chante George Harrison. Lennon s’empare aussi des reprises d’Anna (Go to Him), de Baby It’s You et surtout de Twist and Shout, à laquelle il apporte une rage joyeuse propre aux concerts des débuts du groupe.

WITH THE BEATLES

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        La Beatlemania est en plein essor et huit mois après Please Please Me, et une poignée de singles indépendants, le deuxième 33-tours des Beatles est publié le 22 novembre 1963. Un rythme soutenu de deux parutions annuelles – sans compter les singles – qui sera encore de mise en 1964 et 1965. With the Beatles, comme son prédécesseur, mêle huit compositions originales et six reprises. Au crédit de Lennon, It Won’t Be Long, avec ses cinquante-six « yeah », qui ouvre l’album, All I’ve Got to Do et Not a Second Time. Le tube I Wanna Be Your Man, que chante le batteur Ringo Starr, serait plutôt une composition de McCartney. Au rayon des reprises chantées par Lennon, celles de Money (That’s What I Want), de Please Mr. Postman, et de You Really Got a Hold on Me – en partage vocal avec Harrison, et signe de l’obsession d’alors de Lennon pour les compositions de Smokey Robinson – sont des succès de la compagnie américaine spécialisée dans le rhythm ‘n’ blues et la soul, Tamla Mowtown. Money faisait partie du répertoire que les Beatles avaient mis au point pour une audition, en janvier 1962, pour la compagnie Decca Records – qui ne les signera pas -, quand Pete Best était encore le premier batteur du groupe.

A HARD DAY’S NIGHT

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         Premier album des Beatles sans reprises, A Hard Day’s Night, publié le 10 juillet 1964, présente sur la première face du 33-tours les sept chansons utilisées pour le film homonyme, réalisé par Richard Lester, et sorti en salle quelques jours plus tôt. Cette « nuit d’une dure journée » est une fantaisie sur le quotidien du groupe, avec des hordes de fans à leurs trousses, la participation à une émission de télévision, une conférence de presse… A Hard Day’s Night garde, même plusieurs décennies après, cette dimension et cette ambiance de la Beatlemania, marqué par une fougue et une jeunesse adolescente, qui sera perdue en bien au fil de la discographie du groupe. L’album est un festival de Lennon, puisque la majorité des chansons du disque peuvent lui être majoritairement attribuées. Avec en tête la chanson-titre, interprétée par Lennon et McCartney. Lennon signe encore quatre autres thèmes du film, I Should Have Known Better, If I Fell, qui raconte implicitement ses infidélités envers son épouse Cynthia, I’m Happy Just to Dance with You, pour Harrison, et Tell Me Why. Si McCartney est là plus en retrait, ses deux chansons And I Love Her et Can’t Buy Me Love sont devenues des classiques. En dehors de la bande originale du film, les nouvelles compositions laissent encore à Lennon le rôle principal, avec en particulier Any Time at All et I’ll Cry Instead, l’une et l’autre analysées plus tard comme autant de réflexions amères sur sa vie de couple et la rançon du succès.

BEATLES FOR SALE

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        De l’avis de la critique et des principaux intéressés, dont le producteur George Martin, Beatles for Sale est arrivé trop vite. Il est commercialisé le 4 décembre 1964 dans l’idée de garnir les paniers des fêtes de Noël, cinq mois après A Hard Day’s Night. Et pour donner au public sa ration de deux faces bien remplies, il faut faire vite et c’est le retour aux reprises, au nombre de six. Lennon s’empare alors avec fougue de Rock ‘n’ Roll Music, de Chuck Berry, souvent joué du temps des premiers pas des Beatles dans les clubs. Le partage des compositions originales est légèrement en faveur de McCartney avec quatre chansons et trois pour Lennon, le duo étant a priori responsable à parts égales de Baby’s in Black. Dans ce disque plus faible, McCartney se distingue surtout avec Eight Days a Week et Every Little Thing – que le groupe Yes reprendra en 1969 dans son premier album. Mais c’est Lennon qui ouvre l’album avec No Reply et I’m a Loser, qui se suivent. Il déclarera par la suite qu’il considérait ses deux chansons comme un grand pas en avant dans son écriture des textes. Effectivement, Lennon se (re)tournera vers une écriture plus avancée et introspective après cet opus, sous l’influence dylanesque et de ses auteurs anglophones favoris. Avec I’m a Loser – « je suis un raté » -, il n’hésite pas à évoluer vers une forme de développement plus personnel, l’acceptation de failles, de doutes. Pas vraiment en raccord avec l’image d’insouciance d’alors des Beatles.

HELP !

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        On ne change pas une formule gagnante. Comme A Hard Day’s Night, Help! présente sur la première face du 33-tours original les sept chansons du second film des Beatles, à nouveau réalisé par Richard Lester. Help! (« au secours ») est une comédie loufoque dans laquelle Ringo Starr se retrouve en possession d’une bague sacrée, déclenchant le courroux d’une secte cherchant à la récupérer. Cette quête mène les Beatles dans une course-poursuite à Londres, dans les Alpes suisses et aux Bahamas. Elle est montrée en première mondiale le 29 juillet 1965. L’album sort le 6 août. Lennon est à nouveau le principal auteur de la chanson-titre, qu’il tient pour l’une de ses préférées pour les Beatles (contrairement à It’s Only Love, sur ce même disque, « celle que je déteste le plus », dira-t-il en 1972 -, et de trois autres chansons du film, dont le formidable Ticket to Ride. Dans la chanson éponyme, Lennon signe véritablement pour la première fois son premier texte introspectif. Il y lance un réel appel à l’aide, pris dans les mailles du succès et de la célébrité étouffante de sa vie de Beatles. Comme il le relate dans la série Anthology, il a écrit ces paroles pour exprimer sa vision du désarroi commun atteint par le groupe en 1965. Bien plus tard et plus explicitement, en 1980, il explique : « J’étais gros, déprimé, et j’appelais à l’aide. C’était ma période "Elvis gras". » Quant à la seconde face du LP, on y trouve deux reprises, dont Dizzy Miss Lizzy, qu’emporte le chant de Lennon ; il reviendra à cette chanson lors du concert à Toronto, le 13 septembre 1969, accompagné par Eric Clapton, Klaus Voormann, Alan White et Yoko Ono -, mais c’est McCartney qui, là, entre dans l’histoire avec l’une des ses cinq contributions à l’album, la ballade Yesterday, qu’il interprète seul avec un quatuor à cordes, et dont on estime à plus de 3000 les reprises faites depuis par d’autres.

RUBBER SOUL

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Si le successeur de A Hard Day’s Night, Beatles for Sale, peut être entendu comme une baisse de forme du groupe, Rubber Soul, qui sort le 3 décembre 1965, quatre mois après son prédécesseur, est une nette avancée artistique avec des éléments venus du folk, de parfaites chansons pop, et l’utilisation de plus d’instruments que le quatuor habituel de guitares, basse et batterie. Lennon y propose trois superbes ballades : Norwegian Wood (This Bird Has Flown), avec une partie de sitar signée Harrison, Nowhere Man, dans lequel il y décrit un « homme de nulle part » à moitié autobiographique, soutenu par d’impeccables harmonies vocales partagées avec McCartney et Harrison, et Girl. Avec In My Life, pour laquelle la coécriture avec McCartney continue d’être discutée, Lennon évoque son enfance, ses amitiés et le temps passé. Il y rend notamment hommage à Stuart Sutcliffe, son ami peintre et ex-bassiste des Beatles, mort en 1962, évènement qui déchirera Lennon pour toujours. L’album se termine avec Run for Your Life, sur le thème de la jalousie, d’autant plus en contraste qu’elle a un aspect allègre, mais dont le texte de Lennon est on ne peut plus direct, avec ce mauvais gars (« wicked guy ») à l’esprit jaloux (« jealous mind ») qui préférerait voir sa « little girl » morte plutôt qu’avec un autre homme. Autre contraste, la première face de Rubber Soul se termine par la bien plus inoffensive Michelle et son célèbre vers français, « ma belle », de McCartney.

REVOLVER

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Du 12 au 29 août 1966, les Beatles sont en tournée en Amérique du Nord. Ils n’en peuvent plus de l’hystérie que provoquent leurs apparitions, ne s’entendent pas jouer, et ce seront leurs derniers concerts en tant que groupe – hormis le concert semi-privé sur le toit de leur maison de disques le 30 janvier 1969. Leur nouvel album, Revolver, est sorti le 5 août 1966. Trop arrangé, trop varié dans ses approches stylistiques, en lien musical avec le psychédélisme naissant, avec des effets de déformation de son, ce travail de plus en plus sophistiqué en studio, déjà amorcé avec Rubber Soul, impossible à reproduire sur scène sans de nombreux musiciens supplémentaires, ce qui serait impossible à cause des conditions de tournée. À McCartney, qui commence à « prendre l’ascendant », six compositions, dont Eleanor Rigby avec double quatuor à cordes, Got ot Get You into My Life avec section de vents, et la pochade Yellow Submarine, que chante Ringo Starr. À Harrison, trois, dont le « sociétal » Taxman¸ qui ouvre l’album. Lennon est surtout responsable de l’hymne au sommeil I’m Only Sleeping, de She Said She Said, qui donne lieu lors de son enregistrement à un départ de McCartney du studio – la partie de basse serait alors jouée par Harrison -, d’And You Bird Can Sing, de Doctor Robert et de la dérive psyché Tomorrow Never Knows avec orgue, inspiration des musiques indiennes - intérêt qu’il partage alors avec Harrison -, effets d’accélération et de ralentissement des sons, instruments passés à l’envers, qui annoncent merveilleusement le prochain chef d’œuvre.

 

SGT. PEPPER’S LONELY HEARTS CLUB BAND

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Dix mois séparent le psychédélique Revolver de l’encore plus psychédélique Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Lennon a participé à un nouveau film de Richard Lester, How I Won the War, et a fait la connaissance en novembre 1966 de Yoko Ono. À l’origine de cet « orchestre du sergent Poivre », une idée de McCartney : inventer un groupe fictif, se cacher derrière et raconter son histoire. Le nom des Beatles figurera bien sur la pochette du disque, qui sort le 1er juin 1967. Mais hormis la chanson-titre et With a Little Help from My Friends¸ les autres chansons n’ont guère de rapport entre elles, ce sur quoi Lennon insistera souvent. Au jeu de la paternité avérée, c’est McCartney qui domine. Le duo a probablement fonctionné à plein temps avec With a Little Help from My Friends, Getting Better et A Day in the Life, le chef d’œuvre de l’album – et même plus généralement de toute l’œuvre des Beatles -, construit comme une suite, avec une quarantaine de cordes et de vents, et l’accord final en résonance – Neil Young la mettra bien plus tard à son répertoire de concert en y renforçant le coté épique. Celle-ci est un des derniers fruits du travail collaboratif que pouvait réaliser les deux camarades, obtenu en mélangeant deux brouillons de chansons. A Lennon, on doit un autre sommet du disque, Lucy in the Sky with Diamonds, son Alice au pays des merveilles¸ avec des « ciels de marmelade », « une fille aux yeux de kaléidoscopes », des fleurs, ou des « taxis en papier journal »… Plus mineures, même si elles s’inspirent et s’intègrent remarquablement dans la teinte délirante de l’album Being for the Benefit of Mr. Kite !, avec son ambiance de fête foraine, et Good Morning Good Morning, « bonne à jeter à la poubelle », comme le dira John Lennon dans un célèbre entretien accordé à Playboy en 1980, trois mois avant son assassinat.

 

MAGICAL MYSTERY TOUR   

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        Le neuvième opus des Beatles n’est pas à proprement parler un album, puisque dans sa version originale Magical Mystery Tour est un double 45-tours, vendu à sa sortie, le 8 décembre 1967, avec un livret de photographies, textes et dessins qui correspondent au moyen-métrage du même nom que diffuse la BBC le 26 décembre. Les Beatles vont et viennent dans la campagne, au bord de la mer à bord d’un bus, chaque étape étant prétexte à un « vidéoclip ». Paul McCartney signe trois des six chansons (la magnifique The Fool on the Hill). Harrison a apporté Blue Jay Way, Flying  est cosignée par les quatre acolytes. Avec I Am the Walrus, Lennon est à l’un de ses plus hauts sommets en matière de surréalisme, avec des successions de phrases et d’images entre rêve et cauchemar (« une crème de couleur jaune goutte de l’œil d’un chien mort »). Aux Etats-Unis, l’album est publié en 33-tours avec, sur la seconde face, cinq chansons publiées en single en 1967, au cœur desquelles Strawberry Fields Forever, un autre sommet psyché de Lennon, Penny Lane, de McCartney, et l’hymne « peace and love » et hippie de Lennon, All You Need Is Love.

THE BEATLES (WHITE ALBUM)

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        Après la période psychédélique en Technicolor et le studio terrain de tous les jeux possibles, les Beatles souhaitent revenir à plus de simplicité, avec un mélange de rock électrique et de traitements acoustiques, des structures moins complexes. Ce sera un double album, sorti le 22 novembre 1968, sous pochette blanche, qui rassemble trente chansons, dont les bases d’écriture de la plupart ont été posées lors d’un séjour du groupe en Inde, à la fin de l’hiver et au printemps, dans l’ashram du Maharishi Mahesh Yogi. Durant les séances d’enregistrement, de mai à octobre, Yoko Ono est souvent présente et donne son avis à Lennon, ce qui suscite des tensions avec les autres. Avec le recul, on peut prendre ce double album, même si la complicité du groupe est présente ici et là (While My Guitar Gently Weeps, de George Harrison), comme la réunion de deux albums solos de Lennon et de McCartney en les construisant avec les compositions qui portent le plus la marque de l’un ou l’autre (treize pour Lennon, douze pour McCartney). Le disque de Lennon débuterait ainsi avec Dear Prudence, l’une de ses deux charges, avec Sexy Sadie, contre le Maharishi à la suite de comportement déplacés à l’égard des sœurs Mia et Prudence Farrow, présentes lors du séjour en Inde, et se terminerait avec la berceuse Good Night, que chante Ringo Starr. De l’une à l’autre, il y a en particulier Glass Onion, rock avec orchestration de cordes, Happiness Is a Warm Gun, qui mêle douceur et guitares saturées, I’m So Tired, confession d’un insomniaque pris dans les tourments de son mariage avec Cynthia et la passion pour Yoko, la magnifique Julia, dédiée à sa mère, Revolution 1, traitée en blues mid-tempo. L’autre Revolution de l’album, qui porte le numéro 9, est en revanche un inepte collage expérimental conçu avec Yoko Ono, portant des bruitages et des bouts de phrases.

YELLOW SUBMARINE

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        Avec en face B sept compositions instrumentales de leur producteur George Martin et en face A seulement quatre nouvelles chansons, dont deux de George Harrison, en plus du titre éponyme et d’All You Need Is Love, l’album Yellow Submarine est présenté comme la bande-son du film d’animation du même nom, sorti sur les écrans en juillet 1968. L’album, lui, paraît en janvier 1969. La contribution de Lennon s’intitule Hey Bulldog, avec un motif rythmique au piano, qu’il joue, et un accompagnement rock dans lequel Harrison interprète toutes les parties de guitare. Il y a des rires, des cris, des imitations d’aboiements, une joie collective du groupe audible dans l’interprétation, l’intention musicienne.

 

ABBEY ROAD

         Chronologiquement, Abbey Road est le dernier album enregistré par les Beatles, même s’il sort le 26 septembre 1969, avant Let It Be, qui sera commercialisé le 8 mai 1970, après l’annonce de la séparation officielle des Beatles, mais qui réunit des séances antérieures à celles d’Abbey Road. Certains fans ont tendance à le classer ainsi dans leur discothèque, soulignant de cette façon son statut d’album final, souvent considéré comme le plus abouti de leur carrière. Ringo Starr signe l’amusant Octopus’s Garden sans que sa composition semble faire remplissage, Harrison laisse pour toujours à l’histoire de la musique les sublimes ballades Something et Here Comes the Sun, et la concurrence artistique entre Lennon et McCartney ne donne que de bons résultats. Come Together, de Lennon, ouvre l’album, avec une splendide base rythmique batterie et basse, et son I Want You (She’s So Heavy), déclaration d’amour à Yoko, termine la face A en un tourbillon instrumental de guitares électriques – le groupe The Flaming Lips l’étirera sur plus de quinze minutes lors de concerts. En face B, le calme de Because, de Lennon, avec clavecin et harmonies vocales célestes, juste après Here Comes the Sun, précède un assemblage d’éléments de huit chansons de Lennon et McCartney qu’ils avaient mises de côté. Et, en dépit de ces origines disparates et du fait que John Lennon n’était pas très convaincu par cette idée, le résultat est parfait. De lui, le languissant Sun King, avec bouts de texte en espagnol, et Mean Mr. Mustard, parenthèse légère avant le bond énergique de Polythene Pam.

LET IT BE

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         Après les séances d’enregistrement du double album The Beatles, tout indique que le groupe pourrait bien se séparer. McCartney voudrait repartir en tournée, pour retrouver l’énergie des débuts ; Lennon et Harrison ne le souhaitent pas. Mais l’idée d’un retour aux sources, d’un disque qui serait enregistré dans les conditions du direct, sans trop de postproduction, avec des reprises de rock et de nouvelles chansons, fait son chemin. Une émission de télévision est envisagée et les répétitions, début janvier 1969, sont filmées. Mais l’unité et l’amitié supposées revenir ne sont pas au rendez-vous. Les caméras captent les moments de tension, les sourires sardoniques, la colère et l’abattement dans les regards. Jusqu’à la fin janvier, des séances d’enregistrement ont lieu, et les Beatles donnent un concert impromptu le 30 sur le toit de l’immeuble d’Apple, leur maison de disques. Une première version de l’album, alors intitulé Get Back, est construite par l’ingénieur du son Glyn Johns, puis les bandes sont remisées. Le travail sur l’album Abbey Road, prend le relais.

         Début 1970, une partie des bandes du projet Get Back sont confiées, à l’initiative de Lennon, au producteur Phil Spector. Il ajoute des effets d’échos, gonfle le son, ajoute cordes, vents et chœurs à certaines chansons, dont Let It Be et The Long And Winding Road, de McCartney, qui dès mai teste ces arrangements. Contre son avis, l’album Let It Be est publié le 8 mai 1970. Lennon ne s’y intéresse pas plus que cela, il est ailleurs depuis longtemps déjà et le groupe s’est séparé officiellement un mois avant. Dans Let It Be, à l’exception d’Acroos the Universe, que met magnifiquement en valeur Phil Spector, Lennon n’est guère inspiré. Dig a Pony est un blues rock un peu lourd, Dig It, une improvisation de moins d’une minute, One After 909, un rock basique, que les Beatles jouaient dans les clubs, avant leur succès. On trouve aussi sur Let It Be ce qui est le témoignage de la dernière collaboration réellement à égalité Lennon-McCartney : le rock I’ve Got a Feeling, qui a la fraîcheur, la spontanéité des débuts.

Tom A.-B.

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